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  • À Ramallah, ces Palestiniens qui suivent des «études israéliennes» pour mieux combattre l'État hébreux
    May 4 2025
    Alors que la paix entre Palestiniens et Israéliens n’a jamais semblé aussi lointaine, une grappe d’étudiants palestiniens a fait le choix de suivre un cursus d’« israeli studies », autrement dit des « études israéliennes ». Au programme : cours d’hébreu, études de grands textes du judaïsme et de la littérature israélienne, histoire et sociologie d’Israël. La prestigieuse université de Birzeit, en bordure de Ramallah, affiche clairement ses objectifs : « Mieux connaître l’occupant » pour mieux le combattre sur le terrain des idées. De notre correspondante à Ramallah,C’est un cours d’hébreu... à la palestinienne. Il démarre par une distribution de baklawas. Grand sourire, une étudiante annonce ses fiançailles tout en promenant un plateau de pâtisseries. Gourmand, Esmat Mansour, le professeur, se sert tout en ne perdant pas de vue ses objectifs pédagogiques : « Mazel tov ! Mazel Tov ! » Encadrés de lunettes, les yeux rieurs, il confie à voix basse : « L’hébreu rappelle de mauvais souvenirs aux étudiants. Pour eux c’est la langue des checkpoints. Alors j’essaie autant que je le peux de détendre l’atmosphère pendant le cours. Moi, j’adore l’hébreu et mon rôle, c'est de faire aimer cette langue à mes étudiants. Je leur dis souvent qu’en maîtrisant l’hébreu, ils vont gagner en force et en confiance en eux. Si tu ne sais pas t’exprimer en hébreu, les Israéliens te mépriseront ». L’hébreu, le quinquagénaire a eu tout le loisir de l’apprendre en prison où il a passé vingt années de sa vie pour participation au meurtre d’un Israélien établi dans une colonie. Il avait pour camarade de cellule un certain Yahya Sinwar, ancien numéro 1 du Hamas et instigateur des attaques du 7-Octobre qui ont fait basculer la région dans un chaos dont on ne voit plus la fin. Mais sur ce lourd passé, l’homme préfère se faire discret : « Mes étudiants sont curieux et veulent en savoir plus sur l’expérience de la prison, mais l’université n’est pas le lieu pour le faire. Ici, je ne parle que des bons aspects de la prison. Avoir pu apprendre l’hébreu est l’une de ces bonnes choses ». « C’est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens »Lui qui dit croire désormais en une « solution politique » au conflit prodigue la matière phare du cursus : l’hébreu à raison de neuf heures par semaine. Révisions du vocabulaire de base et apprentissage de quelques adages en hébreu, le cours se déroule dans une ambiance bon enfant teintée de salves d’humour noir. Après la lecture d’un texte évoquant la protection de la nature et des animaux, un étudiant lance, cynique : « Ils sont fantastiques, les Israéliens ! Ils font attention à tout, la nature, les animaux ! Sauf à nous ! Nous non, on ne compte pas ! Pourquoi ? Aucune idée ! ». Les rires fusent. « Les plus tragiques des désastres sont ceux qui provoquent des rires », soutient le poète palestinien Mohammed El-Kurd dans son recueil « Rifqa ». Ici, on rit beaucoup. Tout en rondeurs et sourires lui aussi, Rabih Bader, 27 ans, dit vouloir entamer un travail de recherche consacré à ce qu’il appelle la « judaïsation de l’histoire palestinienne » par les Israéliens. Impossible donc de faire l’impasse sur l’hébreu : « C’est normal de vouloir en savoir plus sur les Israéliens. Eux savent tout de nous. Ils ont de très bons départements d’études palestiniennes dans leurs universités. Ils étudient non seulement l’arabe, mais même les différents dialectes palestiniens. Ils sont super spécialisés, à nous d’en faire de même. » Oreilles dressées pour écouter les cours, plusieurs étudiants gardent un œil en permanence sur leurs smartphones. Les dernières informations sont égrenées à haute voix : arrestations, incursions de l’armée israélienne ou rumeurs de fuites de documents au sein du Shin Bet, l’appareil de renseignements israéliens, la salle de classe a aussi des airs de rédaction. On commente, on se perd en conjectures et souvent, on ironise, encore et encore, sur la situation. Un programme lancé il y a dix ansPour accéder à cette rieuse salle de classe, il en aura fallu de la patience. Ici comme dans beaucoup d’endroits de Cisjordanie occupée, la méfiance règne. Avant de nous autoriser à nous mêler à leurs étudiants, les responsables de l’université de Birzeit annoncent avoir fait « leur enquête » sur nous. Un mois et demi d’échanges d’e-mails, de messages WhatsApp, de smileys, de vœux pour l’Aïd, de rencontres et de tractations plus tard, les portes de ce programme académique inédit s’ouvrent enfin à notre micro.Sous un portrait de Shireen Abou Aqleh – ancienne étudiante et professeur à Birzeit, mais surtout journaliste star d’Al Jazeera abattue en plein reportage à Jénine par l’armée israélienne – Najat ...
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    3 m
  • Colombie: l'état d'urgence décrété à Medellin après des inondations meurtrières
    May 3 2025

    Inondations, pluies intenses et destruction de routes ou de maisons : c’est ce qui attend la Colombie jusqu’au mois de juin, d’après l’institut météorologique du pays. La saison des pluies, qui a débuté le mois dernier avec le phénomène de la Niña, a déjà causé de nombreux dégâts et a fait au moins deux morts dans la ville de Medellin, le 30 avril. Le maire de la ville a déclaré l’état d’urgence pour catastrophe naturelle et un appel aux dons a été lancé pour venir en aide aux sinistrés.

    De notre correspondante à Medellin,

    Le bruit de la pluie est devenu le quotidien des habitants de l'arrondissement San Antonio Desperado de Medellin. Chaque année, les précipitations sont de plus en plus fortes. En ce début de la saison hivernale, les conséquences sont déjà visibles. Alejandro Castagno est agriculteur de père en fils. Ce quadragénaire est natif de San Antonio Desperado et il a été témoin de plusieurs inondations, dont la dernière en date, au début du mois d'avril : « Les affluents de ruisseaux sont obstrués, bouchés à cause de l'abattage des arbres, donc de nombreux bassins se retrouvent avec des sortes de barrages qui bloquent l'eau. La matière végétale s'accumule et se déverse partout et inonde les maisons qui sont proches des ruisseaux. C'était le cas dans le district d’Astilleros. »

    Natalia Mesa, sa voisine, s'inquiète de la fissure qui traverse la route près de chez elle : « Regardez, quelqu'un a essayé de boucher le trou. Ici, on voit des débris et de la terre, mais comme les camions continuent de passer dessus, notamment les poids lourds, eh bien la fissure continue de se creuser. Le trou dans le sol est énorme, surtout qu'il se trouve sur une faille géologique. D'ailleurs, juste en face, avant, il y avait une très belle maison. La famille a dû être évacuée et la maison détruite. »

    Risque de précipitations supérieures à la normale

    Pour prévenir ces phénomènes, les pompiers de Medellin sont en train de cartographier le secteur. À l'aide d'un drone, deux pompiers scannent la montagne pour détecter les éventuelles fissures ou mouvements de plaques tectoniques d'une des zones inondées, il y a quelques jours. « Dans ce type de cas, il est avant tout question de glissements de terrain. C'est parce que ce sous-sol est devenu une sorte de nappe phréatique. Il pleut tellement que le terrain ne parvient plus absorber l'eau. Du coup, l'eau commence à se déplacer vers le bas de la montagne, à travers ces chemins sur le côté. Le cours d'eau augmente, ça peut se transformer en un barrage et finir par déborder. Avec les débris et blocs de rochers, ça se transforme en coulées de boue », explique le capitaine Juan Guillermo Usma, sous-commandant du corps des pompiers de Medellin.

    Pour faire face à ces phénomènes climatiques dits du Niño et de la Niña, les autorités utilisent un système d'alerte, « le Siata ». « Nous avons une surveillance en temps réel via le satellite, mais même si cela aide, il est parfois difficile d'avoir des prévisions précises, notamment concernant la quantité de précipitations attendues, admet Carlos Quintero, directeur du département de gestion des risques et des catastrophes de Medellin. Le sujet des catastrophes naturelles est un sujet ambigu, complexe. Tout ce que nous pouvons établir, ce sont des scénarios de risque d'origine naturelle. »

    D'après l'Institut de météorologie colombien (Ideam), la saison de fortes pluies en Colombie s'étendra jusqu'à la fin juin. Dans son rapport, l'organisme prévoit des précipitations supérieures de 20 à 50% à la normale au cours de mai.

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    3 m
  • En Syrie, une nouvelle ère s'ouvre pour les médias et la liberté d'expression, entre espoirs et inquiétudes
    May 2 2025

    En Syrie, après 54 ans d’une dictature qui appliquait une censure implacable aux médias et éliminait toute voix critique, une nouvelle ère s’ouvre pour les journalistes en Syrie. L’agence de presse et les chaînes officielles, qui ne servaient qu’à diffuser la propagande du régime, ont été renversées et de nombreux reporters exilés se réinstallent progressivement en Syrie. Ahmed al-Charaa, le nouveau maître de Damas, a promis de faire respecter la liberté d’expression. Si certains veulent y croire et investissent dans la création d’un nouveau paysage médiatique pour la Syrie, d’autres restent méfiants.

    Travailler et émettre depuis Damas, en plein cœur de la Syrie. Une scène encore impensable il y a quelques semaines pour Mohamed Al Dughaim, producteur de la chaîne Syria TV, un des médias d’opposition les plus suivis en Syrie, dont le siège est à Istanbul en Turquie. « Nous sommes actuellement dans l’hôtel Sheraton, à Damas, et nous avons transformé une partie des chambres de l’hôtel en studio temporaire pour Syria TV, indique-t-il. Nous sommes arrivés à Damas progressivement avec les forces rebelles au fil des offensives militaires, d’abord Alep, puis Hama, puis Homs, et enfin Damas. C’est la première fois que l’on parle de Damas en étant à Damas. C’est un très beau sentiment pour tous les syriens et pour tous les journalistes. »

    Financée par le Qatar, Syria TV compte 250 employés répartis entre la Syrie et la Turquie. Sur la terrasse de l’hôtel, un plateau télé a été érigé. La chaîne diffuse des informations en direct 3 à 4 h par jour depuis Damas. Pour le producteur originaire d’Idlib, c’est le début d’une nouvelle ère. « Aujourd’hui, on peut parler de tout en Syrie sans être inquiété, sans que les services de renseignement ne vous convoquent, et sans risquer d’être emprisonné. L’avenir des médias en Syrie est bien meilleur qu’à l’époque de Bachar al-Assad. »

    Après 54 ans de dictature durant lesquels aucune critique du pouvoir n’était tolérée, la nouvelle administration dirigée par Hayat Tahrir Sham (HTS) – l’un des groupes rebelles qui a repris Damas – a annoncé début janvier s’engager en faveur de la liberté d’expression, avec quelques limites. « Dans la nouvelle Syrie, nous garantissons la liberté de la presse, mais il existe des lignes rouges sur certaines questions, comme la diffusion de la haine au sein de la société, ou tout ce qui touche à des sujets susceptibles d’attiser les tensions sectaires. Ne pas préserver la cohésion sociale est aussi une ligne rouge », explique Ali Al Rifai, directeur des relations publiques au ministère de l’Information. Le ministère a aussi annoncé que les journalistes ayant collaboré avec le régime devront rendre des comptes.

    Dans les cafés de la capitale, de nombreux Syriens se retrouvent pour débattre à haute voix de l’avenir du pays. Une scène, elle aussi, inimaginable il y a peu. « Nous sommes heureux d’avoir cette nouvelle liberté d’expression. J’ai beaucoup confiance dans la société syrienne qui est aujourd’hui très éveillée. Rien ne passe inaperçu. Il y a une pression populaire contre toute décision qui serait inappropriée », raconte Colette Bahna, écrivaine et activiste pour les droits des femmes, qui savoure cette liberté retrouvée. Pour de nombreux syriens, la prudence reste de mise. Seul le temps permettra de savoir si ces promesses de liberté dureront.

    À lire aussiSyrie: à Jaramana, la vie reprend dans une atmosphère de peur et de méfiance

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    3 m
  • Inde: pour les Cachemiriens, la double peine de l’escalade avec le Pakistan après les attentats
    May 1 2025

    Depuis l’attentat qui a fait 26 morts dans le Cachemire Indien le 22 avril, la tension entre l’Inde et le Pakistan est à son comble. Après l’escalade diplomatique, les deux pays sont au bord de l’affrontement militaire. Les Cachemiriens, eux, font les frais de cet affrontement. Des maisons sont rasées et des familles déchirées au nom de la lutte contre le terrorisme et le Pakistan.

    Un silence lourd règne à Pulwama, au sud du Cachemire. Le 26 avril, les forces de sécurité indiennes sont intervenues dans ce village, où un habitant est soupçonné d'être lié à l'attentat. De nombreuses maisons y ont été dynamitées et depuis leurs occupants vivent dans les ruines. « L’armée est arrivée ici à sept heures du matin. Ils nous ont demandé d’évacuer la maison et nous ont conduits à la mosquée. Ils nous ont laissés partir à midi et lorsque nous sommes revenus les maisons étaient en ruine. S’il y avait un militant impliqué, pourquoi s’en prendre à tous les voisins ? », se demande Abdul Rashid. L'homme de 68 ans a tout perdu lors de cette opération de représailles indiscriminée, une méthode courante en Inde, bien qu’en dehors de tout cadre légal. « Ils ont fait exploser notre maison. C’était énorme, même la mosquée tremblait. On a eu très peur, certains habitants se sont évanouis. Il a fallu de l’eau pour les ranimer. Ils se sont tous mis à pleurer », se souvient-il.

    Depuis que l’Inde a désigné le Pakistan comme responsable de la tuerie du 22 avril, beaucoup d’Indiens jugent que la priorité est de punir leur voisin. Les Cachemiriens, eux, voient revenir dans l’indifférence leur pire cauchemar : être pris entre les feux des exactions des groupes militants et de la répression de l’armée indienne. « Le mariage de mon frère était prévu dans dix jours, mais ils ont tout détruit. On nous a juste ordonné de quitter la maison. S’ils nous avaient prévenus, on aurait peut-être pu sauver certaines choses. Ils transforment cet endroit en Palestine. C’est une injustice totale », se désole Haseena, mère de famille de 42 ans.

    Dans l’escalade des sanctions, les deux pays ont décidé du renvoi mutuel de leurs ressortissants. Bien que rares, les familles mixtes Indo-Pakistanais se retrouvent aujourd’hui écartées. « J’étais sorti pour mon travail et j’ai reçu un appel de ma famille. Ils avaient reçu une notification de la police demandant à ma femme et mes deux filles de quitter le pays », raconte Bachir. Il est Pakistanais et vit dans le Cachemire Indien. Avec sa femme, ils ont trois enfants dont deux sont nés au Pakistan et l’un en Inde. Bachir et sa famille refusent d'être séparés et sont depuis terrés chez eux dans l’angoisse. « Cette séparation est insupportable. Qu’ils nous tuent, ce serait mieux, ce serait fini. Comment peuvent-ils séparer un fils de 10 ans de sa mère ? Que va devenir mon fils tout seul en Inde ? », s'inquiète-t-il. L’embrasement renforce la suspicion contre les musulmans indiens, soupçonnés de sympathie avec la cause indépendantiste du Cachemire, le seul État à majorité musulmane du pays. De nombreux cas de harcèlement par la police ou des groupes extrémistes hindous sont signalés.

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    À écouter aussiDécryptage: Inde et Pakistan, un regain de tensions particulièrement inquiétant

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    3 m
  • Dans les territoires annexés par Moscou, l’intensification de la russification
    May 1 2025
    Médias dans la ligne, encadrement patriotique pro-Kremlin de la jeunesse, passeportisation intensive.. Plongée dans la vie de la partie de la région de Kherson administrée par la Russie, à l’heure où le plan de cessation des hostilités de Washington veut faire accepter les conquêtes militaires de l’armée de Vladimir Poutine comme un état de fait. De notre envoyée spéciale à Genishensk,Djankoï, un des postes de contrôle des entrées et sorties entre la partie de la région de Kherson où flotte le drapeau russe et la Crimée annexée en 2014. C’est notamment par là que sont entrés les soldats de Vladimir Poutine lancés à l’assaut de l’Ukraine en février 2022. Plus de trois ans après, ce nœud stratégique reste sous très haute surveillance. Contrôle systématique des identités, fouille minutieuse des véhicules et des bagages, potentiel examen poussé des téléphones et de leurs contenus, auxquels s'ajoute la menace planante d'un interrogatoire par le FSB (les services russes de sécurité intérieure).Pour la presse internationale accréditée en Russie, l’accès est soumis à une autorisation qui doit être sollicitée auprès des autorités locales.La partie de la région sous contrôle russe vit, elle, avec un couvre-feu strict de 22 heures à 6 heures. À Genishensk, la capitale administrative des autorités russes, située à 80 km de Djankoï, personne ne plaisante avec la règle : on doit passer ses dernières commandes au restaurant avant 19h, pour être sûr que chacun, clients comme membres du personnel, soit rentré chez soi à l’heure fixée.« Guerre idéologique »La ville est gardée à toutes ses entrées par des barrages militaires, et dans les rues, la présence des forces de sécurité (soldats, police militaire, garde nationale..) est imposante. La journée, malgré le soleil printanier, pas de promeneurs visibles le long des sentiers longeant la mer d’Azov ou bien dans les allées ombragées de la ville. On se déplace dans l’espace public pour vaquer à ses affaires avec un but précis, et la population locale tient ses conversations dans les magasins à voix basse, presque en murmurant. Les regards sur les étrangers de passage sont lourds de questions et d’inquiétude.Les armes parlent surtout dans une zone dite « d’accès spécial » le long d’une distance de 30 kilomètres en bordure du Dniepr. Ce jeudi 1er mai, selon un message sur Telegram de Vladimir Saldo, le dirigeant régional nommé par Moscou, une frappe de drones ukrainiens a tué au moins sept personnes et fait plus de 20 blessés dans la ville d'Olechky.Même si le bruit des armes est bien plus loin, à Genishensk on vit aussi toujours à l’heure de la guerre. Et pas seulement sur le plan militaire : « Jusqu’à aujourd’hui encore, nous menons une guerre idéologique »,explique Oksana Kalachnikova, cheffe du département de politique intérieure au sein de l’administration installée par la Russie, ainsi que la responsable du comité d'organisation de la célébration du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. « Et dans certains endroits, nous menons très activement une guerre de l'information, car il est clair qu'il y a encore ici des opposants, des pro-ukrainiens. »Radio Tavria, mise en place en 2023, est l’un des instruments de ce combat revendiqué. Elle diffuse en journée de la musique, des débats, et des bulletins d’actualités quasiment toutes les heures. Une édition peut ainsi débuter par le rapport quotidien rédigé par les forces armées russes, repris in extenso par la présentatrice :« Au cours de la journée écoulée, les formations armées ukrainiennes ont perdu dans la direction de Kherson plus de 90 militants ; des unités du groupement de troupes Dniepr ont vaincu les effectifs et détruit l'équipement d’une brigade d'assaut, de deux brigades de défense côtière et d'une brigade de défense. Les pertes ennemies comprennent un véhicule blindé de transport de troupes, deux véhicules blindés de combat, neuf véhicules, trois pièces d'artillerie, deux stations de guerre électronique, une station radar, une batterie et deux dépôts de munitions ».La suite concerne notamment les dernières annonces du gouverneur, les mesures prises par l’administration locale. Un contenu au total très similaire à ce qu’on peut lire, entendre ou voir dans les médias fédéraux légitimistes russes. Radio Tavria est là seule à diffuser officiellement dans cette partie de territoire annexé par la Russie en septembre 2022, à la suite de référendums condamnés et jugés fictifs et illégaux par l'Ukraine, soutenue notamment par l’administration Biden, l’Union européenne ainsi que l’Assemblée générale de l’ONU par un vote de 143 voix pour, cinq contre et 35 abstentions. Dans cette ville côtière qui fût longtemps une ville de villégiature comme en témoigne la présence de ...
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  • Aux États-Unis, J.D. Vance, une voix pour les «oubliés» du Kentucky
    Apr 28 2025

    Il incarne la volonté trumpiste de représenter « l’Amérique oubliée » et son électorat populaire et blanc. J.D. Vance a grandi dans l’Ohio, dans la « rust belt », nom donnée aux régions désindustrialisées, mais sa famille est originaire de l’est du Kentucky dans les montagnes des Appalaches. Dans cette région pauvre et reculée, l’arrivée de J.D. Vance à la vice-présidence suscite la fierté des habitants qui espèrent des retombés économiques.

    De notre envoyé spécial à Jackson dans le Kentucky,

    Dans ces vallées qui s’enchaînent, recouvertes de végétation, Jessica Ellis rentre chez elle dans sa maison au bord de cette route sinueuse, à quelques kilomètres de l’ancienne demeure des grands-parents de J.D.Vance et de leur cimetière familial. Jessica, électrice de Donald Trump, explique que tout le monde ici se réjouit de l’arrivée de J.D. Vance à la vice-présidence :« Il comprend la situation ici. Il va pouvoir aider cette région d’une façon qu’on ne peut même pas imaginer. »

    J.D. Vance a raconté son histoire familiale entre ces montagnes du Kentucky et les plaines désindustrialisées de l’Ohio, à quelques centaines de kilomètres au nord. Dans son livre Hillbilly Elegy, il y revendique fièrement ce terme de « Hillbilly» qui peut se traduire par « péquenaud », terme péjoratif employé pour désigner les gens de cette région plus isolée. « Il y a un cliché qui dit qu’on serait pieds nus et stupides, mais comme vous pouvez le voir, je porte des chaussures, il y a aussi l’idée qu’on ne compte pas, mais J.D. a prouvé qu’on n’est pas stupides », ajoute Jessica.

    L'espoir d'être mieux représenté

    Vingt-huit pour cent des habitants de ce comté vivent sous le seuil de pauvreté alors que la moyenne nationale est de 12%. Dans le centre du village, la vitrine d’une épicerie affiche un drapeau « Trump, sauvez l’Amérique à nouveau ». Le propriétaire Kenneth Patrick en attend également beaucoup du vice-président : « Il va peut-être nous aider à ramener des usines ici dans le comté de Breathitt, je l’espère, on a besoin de croître, on est en train de devenir un village fantôme et c’est effrayant. »

    Ici, J.D. Vance c'est l’espoir d’être mieux représenté et écouté à Washington, comme l’explique Stephen Bowling, le directeur de la bibliothèque publique et historien du comté : « Pendant des générations, on a permis aux autres d’écrire notre histoire. Les gens venaient dans les montagnes pour des pratiques économiques extractivistes. Ils ont pris le charbon puis sont partis, ils ont pris le bois puis sont partis, comme pour le sel. Tout ça a retiré le pouvoir, la stabilité économique et la richesse, donc maintenant la possibilité d’avoir une voix à Washington est importante pour les habitants. »

    Avant son investiture, J.D. Vance est revenu ici en visite, confirmant pour les habitants le dicton local : « Le garçon peut quitter la montagne, mais la montagne ne peut pas quitter le garçon. »

    À lire aussiPrésidentielle américaine: J.D. Vance, d'anti-Trump à colistier du candidat républicain

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    2 m
  • Au Canada, un boycott des États-Unis à l'échelle individuelle
    Apr 27 2025

    Les Canadiens votent ce lundi 28 avril pour des élections législatives anticipées que les libéraux emmenés par l’actuel Premier ministre, Mark Carney, devraient gagner au terme d’une campagne marquée par le conflit sans précédent avec les États-Unis. Les attaques répétées de Donald Trump contre son voisin suscitent beaucoup d’incompréhension et de colère parmi les Canadiens, à tel point que certains boycottent leur voisin.

    De notre envoyée spéciale à Ottawa,

    Les chutes du Niagara pour faire oublier Broadway à sa fille ? Rachel Doeran et sa famille devaient passer leurs vacances aux États-Unis. À cause de Donald Trump, changement de destination : « Le changement s'est fait en dernière minute. On ne pouvait pas faire grand-chose de spécial, mais on a fait un petit tour chez nous. Ça nous a donné l'occasion de faire des choses que l'on n'aurait peut-être pas faites. On doit montrer la fierté canadienne. Je ne peux pas changer grand-chose, mais je peux choisir où dépenser mon argent. »

    Plus d’un Canadien sur deux a annulé un séjour aux États-Unis ces dernières semaines, d’après un sondage Abascus Data. Certains renoncent également à Netflix ou à Amazon. « C’est très pratique, car vous êtes livré chez vous. Même les croquettes de mon chien, je les achetais sur internet et je les recevais chez moi. Maintenant, je vais dans un supermarché canadien. Vous trouvez les mêmes produits en magasin. Il faut juste changer ses habitudes, s’organiser un peu mieux quand on fait ses courses. Une fois que cette histoire de droits de douane sera réglée, j’arrêterai. Mais pour l’instant, je fais de mon mieux pour soutenir les entreprises canadiennes », explique Daniel Martel, greffier de 31 ans.

    70% des Canadiens évitent les produits américains

    Dans les supermarchés canadiens, ont fleuri ces derniers temps des feuilles d’érable, des étiquettes rouges et blanches qui indiquent aux clients que les produits vendus sont fabriqués au Canada. Selon un sondage paru dans la presse locale, plus de 70% des Canadiens évitent d’acheter des aliments américains. C’est le cas de David McCann, 72 ans, ancien ouvrier dans l’automobile : « Oh oui, quand je fais mes courses, je fais attention et j’achète autant que possible des produits canadiens. Et pour les aliments qu’on ne trouve pas ici, comme certains fruits et légumes, en hiver par exemple, j’achète des produits chiliens, mexicains ou espagnols. Je ne suis pas en colère contre les Américains, mais contre leur gouvernement. Donald Trump se prend pour un roi. Mais c’est un clown ! »

    Problème : les produits canadiens sont parfois plus chers. Et puis ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver entre ce qui est fabriqué au Canada par une compagnie américaine et ce qui est produit par une entreprise canadienne, mais avec des matières premières venues des États-Unis. Des Canadiens ont créé des applications qui permettent d’y voir clair.

    La guerre avec leur voisin stimule aussi la créativité des artistes canadiens. Comme le chanteur Jim Cuddy avec son dernier titre : Nous étions les meilleurs amis du monde.

    À lire aussiÉlections au Canada: portés par leur opposition à Trump, les libéraux de Carney s'avancent en favoris

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    3 m
  • Chine: la foire de Canton à l'heure de la guerre commerciale avec les États-Unis
    Apr 26 2025

    La 137ᵉ édition de la foire de Canton qui a débuté le 15 avril et se termine le 5 mai, réunit 31 000 exposants, presque tous orientés vers le marché de l'exportation. La première semaine était consacrée aux produits et machineries industrielles, à l'électroménager, aux produits électroniques, aux véhicules, au BTP. Les taxes douanières sont devenues un sujet sensible pour tous ces exportateurs, qui cherchent déjà des alternatives au marché américain.

    De notre correspondante à Pékin,

    Parmi les milliers de stands de produits industriels qui offrent les promesses de nombreux échanges à venir, Wang Lian, qui exporte des onduleurs solaires, nous raconte avoir vu un changement d’attitude de la part de ses clients américains : « Cela a clairement un impact, y compris sur nos clients. Ils ne viennent même plus chercher leurs marchandises. Les produits sont prêts, mais ils refusent de les prendre. Et bien sûr, ils nous demandent de baisser nos prix. »

    Aujourd’hui, il s’agit d’avoir le regard tourné ailleurs, notamment vers l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Europe, dit-elle : « Oui, nous devons absolument nous développer sur d'autres marchés. Nous ne pouvons pas nous accrocher uniquement aux États-Unis. Si les États-Unis ne sont pas favorables à notre entreprise, nous devons bien sûr envisager d'autres options, n'est-ce pas ? »

    Lily, qui exporte des câbles électriques, souhaite que les droits de douane soient simplement supprimés, car cela ne profite à personne. « Certains nouveaux clients américains nous ont dit qu'ils cherchaient des usines en dehors de la Chine. C'est ça la situation actuelle. Les États-Unis n'y gagnent rien. Ce que nous faisons en Chine n'est qu'une légitime défense : ils ont fait le premier pas, et nous ne faisons que riposter. Je soutiens sans réserve la décision de la Chine. »

    Tirer parti de cette situation

    Les acheteurs, eux aussi, s’interrogent, tentent de trouver leur compte. OJ, un jeune entrepreneur canadien, nous dit que s’il fallait choisir entre faire affaire avec les États-Unis ou la Chine, la question ne pose pas : « À l'heure actuelle, la Chine. En tant qu'homme d'affaires, je vais continuer à travailler avec la Chine, car c'est un endroit très, très diversifié, très beau. Il y a tellement de technologie. Ça se développe chaque jour. »

    Craig, un acheteur australien, explique que même s’il ne ressent pas directement le poids des taxes pour le moment, il a des inquiétudes quant à l’avenir. Mais il souligne aussi qu’il va tenter de tirer parti de cette situation. « C'est un sujet brûlant. Je vais franchement faire pression sur eux pour obtenir des prix plus bas. Ça reste vraiment notre travail. Nous allons donc chercher à obtenir des coûts de production moins élevés de la part de la Chine dès maintenant. »

    Faute d’accords trouvés le plus rapidement possible, tout le monde se prépare à mettre des alternatives en place, tout en gardant les yeux rivés sur les échanges entre les deux grandes puissances économiques.

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